Tamisage du sédiment à la recherche des micro-restes de vertébrés.

Machine expérimentale
pour tamiser le sédiment.


Les pépites de Champblanc

Paradoxalement, les découvertes les plus spectaculaires faites à Champblanc viennent des micro-restes de vertébrés, essentiellement des dents millimétriques charriées par les rivières.

Leur extraction demande un protocole particulier de lavage des sédiments au travers de tamis très fins, suivi d'un tri sous la loupe. Plus de 45 000 dents ont pour l'instant été extraites de 12 tonnes de sédiment. Un travail long et fastidieux, mais qui permet de révéler des richesses paléontologiques insoupçonnées.

Parmi ces micro-restes, on retrouve des dents de requins, poissons, amphibiens, lézards, crocodiles, dinosaures et même d'oiseaux et de mammifères. Ces derniers, qui vivaient dans l'ombre des dinosaures, étaient à l’époque de petits animaux poilus, guère plus gros que nos souris et musaraignes. Leurs restes sont rares en raison de leur petite taille et chaque découverte est un événement en soi. Leurs dents isolées sont de vraies petites pépites !

Dans le gisement de Champblanc, une quarantaine de dents mesurant environ un demi-millimètre ont permis de mettre en évidence au moins 6 espèces différentes de ces petits mammifères. Plusieurs publications scientifiques sont en cours, valorisant la diversité de ces micro-restes.

Un "paléo-thermomètre" chimique

L'oxygène que nous respirons ou ingérons dans l'eau de boisson existe sous plusieurs formes atomiques dans la nature. Ce sont des "isotopes stables" appelés 16O (le plus abondant), 17O (très rare) et 18O (environ 0,2%). Or, le rapport entre 16O et 18O (appelé gamma 18O) est intimement dépendant de la température.

Par ailleurs, l'hydroxyapatite est un phosphate de calcium constituant principal des os et des dents. C'est une molécule très solide qui peut traverser des millions d'années sans se modifier, surtout dans l'émail dentaire fortement minéralisé. Caractéristique importante aux yeux des géochimistes et des paléontologues, car l'oxygène qu'elle contient y est piégé et conservé dans son état initial. Le gamma 18O mesuré dans l'émail dentaire reflète donc la température à laquelle la dent a été formée. Un "paléo-thermomètre" très précis, qui nous renseigne aussi bien sur la température de l'eau et les climats que sur la température corporelle des animaux.

Les premiers résultats confirment un climat globalement chaud et aride, et montrent que les petits mammifères de l'époque possédaient déjà une température corporelle élevée et stable.

Image : Reconstitution 3D d'une dent de mammifère Dryolestidae trouvée dans les sédiments de Champblanc - hauteur réelle : 1,3 mm.


Voir l’invisible grâce aux rayons X

Les dents sont de vrais trésors pour les paléontologues, car leur lente éruption enregistre jour après jour l'activité métabolique de l'animal, les variations de sa température corporelle, les stress environnementaux, et bien d'autres indices sur la vie de l'animal... Mais la difficulté consiste à discerner ces stries de croissance épaisses de quelques micromètres. Paradoxalement, le seul moyen d'observer des détails aussi petits à l'intérieur des dents est d'utiliser un synchrotron.

Celui de Grenoble, l'un des plus performants au monde, est un anneau de 800 m de circonférence qui génère des rayons X aux propriétés physiques particulières et suffisamment puissants pour traverser des fossiles fortement minéralisés. En scannant en 3D (tomographies) les micro-dents du gisement de Champblanc, nous avons pu déceler ces stries de croissance et évaluer le métabolisme de ces animaux. Ainsi, les petits mammifères avaient une température corporelle élevée et parfaitement régulée, plus stable que celle des petits dinosaures, alors que l'activité des crocodiles variait avec la température ambiante.

Image : Dans le synchrotron, une micro-dent est placée au sommet d'un portoir, prête à être scannée. Le faisceau laser (en rouge) matérialise le trajet des rayons X (invisibles).

En savoir plus :

La découverte du site et les fouilles

Histoire géologique de Champblanc

Donation Garandeau au Musée d'Angoulême


Remerciements à Joane Pouech et Jean-Michel Mazin pour leur contribution à ces pages. Crédits photos : PaléoAquitania.